Commandos



Que se passe-t-il lorsque votre vie est percutée par un évènement insupportable, de par sa violence, ses conséquences, et que vous êtes écrivain ?
Vous  l’écrivez. Vous écrivez ce choc, cette colère, cette révolte, cette incompréhension.
Vous ne pouvez tout simplement plus vous consacrer à autre chose que d’écrire, et par l’écriture tenter de remédier au choc mais aussi à l’écrasement et à l’oubli où cet évènement va finir, bientôt enseveli, supplanté dans les médias, dans les consciences, dans l’histoire-même, par un autre évènement.
J’écris « évènement » comme on appelait la guerre d’Algérie « les évènements ».
Je devrais écrire « guerre ».
Par sa violence, c’est une guerre. Par ses victimes. Ses actes de tortures, ses commandos d’extermination. Par ses tractations honteuses. Par les silences qui en effacent une lourde partie. Par l’oubli on l’on voudrait l’enterrer.
Écrire devient une nécessité, une résistance.
Écrire est toujours une nécessité, une nécessité personnelle de vie.
Mais dans ce cas précis, toute autre forme d’écriture, plus narrative, plus « lyrique », est balayée.
Reste le fait cru. Les mots, crus. La nécessité, crue.
L’inacceptable.

Ouvrir et fermer chaque texte par les mêmes phrases, c’est introduire la répétition, jusqu’à l’insupportable, c’est rendre perceptible la répétition des viols – la répétition des témoignages – la répétition du silence. C’est une mise en mots d’une situation horriblement répétitive dont la victime n’a pu s’échapper.
On a envie de sauter ces phrases, on les a déjà lu, 1 fois, 2 fois, 20 fois, mais elles reviennent, incontournables.

Ne contournez pas ces phrases. Ne regardez pas ailleurs. Avancez dans le noir. Tombez à chaque page. Relevez-vous. Tombez encore. N’abandonnez pas.  Ne l’abandonnez pas. N’oubliez pas.


Le Prénom a été modifié - éditions Les Doigts dans la prose - juin 2014






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