L'éviction
J. sa place est à côté du monde, ce matin déjà se pensant immobile dans
le flot des mouvements, chaque pas qui pourtant l’avançait elle-aussi la
lestant la figeant dans une vitesse différente une absence de vitesse un
dépeuplement une éviction. Ce soir regardant regardant n’appartenant à rien en
rien.
Un talon sonne creux et ce bruit accompagne sa marche. Parce qu’elle n’a
été folle que deux fois ces derniers mois J. s’est crue heureuse et normale et
le monde parfait et la vie possible et l’avenir à écrire et sa place inventée. Non.
Ça vacille tout dedans elle vacille. J. était éloignée, en son haut de loin sur
des sites, isolée. Plongée de nouveau dans le monde elle sait,
distinctement, douloureusement : elle n’a rien à faire ici. Il
faut vivre de l’autre côté de soi-même ; là chaque geste chaque mot bien
déformé se faire comprendre se faire entendre.
Les mots de J. disent trop, ne disent rien au monde, les mots de J.
larmes versées rires ailés visions solitaires, une poésie au long cours un
courant dévasté, basculent par la fenêtre s’enroulent à ses chevilles ferment
les portes.
On ne viendra pas la chercher.