Crave / Sarah Kane
Les voix noires de l’amour sont impénétrables.
Sous leurs masques opaques les voix C,M,B,A, personnages
de CRAVE, incarnent le long poème vital de Sarah Kane. Une déchirure du langage
et des sentiments : « On
contrôle, on contrôle, on relâche et on contrôle ».
Antea Tomicic nomme et dirige les ombres, elle créé
et développe un langage visuel et physique qui prononce le texte, le libère d’interprétations
hasardeuses, étroites, conventionnelles.
Sur le sol quatre voix plantées, C,M,B,A quatre
corps d’ombres, quatre visages masqués.
Ne faisons pas tomber les masques. De cette
noirceur jaillissent les voix, les mots s’entendent, enfin il s’entend le
langage brisé de Kane c’est lui qui occupe toute la scène, lui qui joue, lui
qui bouge, lui qui nous prend par la gorge et les tripes.
Les voix masquées sonnent dans nos têtes en
proie aux voix dans ces moments de haute tension que sont
La rencontre
L’amour
Le désir
Les ruptures de soi
La haine
Les violences amoureuses sexuelles
relationnelles
Lorsque dans nos têtes les voix débattent se
débattent
La scène est ce ring où quatre boxeurs immobiles
s’uppercutent à coups de phrases hachées inachevées balancées
Derrière les masques tu dis quoi, tu dis qui ?
Derrière les masques
Les voies noires de l’amour sont impénétrables
Elles bavardent les silhouettes remettent les
pendules de l’amour et de la mort à l’heure
A l’heure de mourir il restera quoi, il reste
qui dans le face à face aux quatre coins de la scène quatre corps tentent de
survivre
Le masque aspire la peau la bouche la
respiration qui de bruit en sons en mots tombe sur nous aux quatre points
cardinaux de la carte du Tendre de Kane ses fragments du discours se répondent
d’un corps à l’autre d’une situation connue vers l’inconnu, dire, redire, « Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce
qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ?
Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on m’a fait ? Qu’est-ce qu’on
m’a fait ? »
C,M,B,A, vous, moi, toi, nous, tu silences tu
rebondis tu dédis et les corps gainés à peine s’ils bougent nous respirons à
peine sous le masque noir nous couvre le visage tout se joue sur nos paupières
closes le texte empereur, déferlantes de sens de paradoxes de doutes l’amour c’est
quoi et comment et jusqu’où ?
C’est ainsi
Massif
Inerte
Délirant
Le théâtre s’installe
Fascinant
Inquiétant
Révoltant
C’est ainsi
Un appel des forces
De la force du langage
C’est ainsi
Que les mots
Que les femmes
Que le théâtre existe dans la cruauté de la vie,
ses protocoles
Conception et mise en scène : Antea Tomicic
Jeu : Delphine Horst, Helena Patricio, José Lillo, Xavier Loira
Lumière : Janosz Horvath
Son : Purpura
Poème de TS Eliot “The Love Song of Saint Sebastian” lu par Lydia Lunch
Jeu : Delphine Horst, Helena Patricio, José Lillo, Xavier Loira
Lumière : Janosz Horvath
Son : Purpura
Poème de TS Eliot “The Love Song of Saint Sebastian” lu par Lydia Lunch