L'ENTRESORT

Elle dit "je n'ai plus envie de cliquer" et quelques heures après elle était morte Laura Nelson, Agnès Geoffray , 2011

24 heures c'est possible mais 48 je ne tiens pas, tout s'écroule je m'écroule, je ne peux retenir mes gens du dedans plus longtemps et toi en face tu crois vouloir les rencontrer me rencontrer mais pas besoin de 24 heures pour décider que c'est impossible. myein.table , Ann Hamilton , 1999

tiens fermement ma tête hors du passé Océanus , Alejandro Medina , 2012

vivement Noël tu sais moi j'attends Noël de toutes mes forces parce que je commande une peluche, n'importe quel animal mais gros si possible, oui gros qui tient sur ses pattes un large dos une grosse gueule et il rejoindra les autres, celles que je commande chaque Noël chaque anniversaire depuis 8 ans c'est pas que j'aime les peluches ni le Père Noël ni Noël ni mon anniversaire mais cet animal là il construit la muraille autour de mon lit je l'ai presque terminée, tous les soirs je la rebâtis peluche après peluche elles s'alignent encerclent l'espace blanc où je m'allonge jusqu'au matin, vivement Noël il y a encore une fissure tu sais, il y a encore un passage mais c'est bientôt terminé. Bonne nuit les petits , Aurélie Piau , 2011

je dors dans les parcs, dans les gares, me nourris des indifférences, applaudis les accidents, tombe dans les bras inconnus,s'agripper, oublier, repartir en gare le long des murs fragiles faire face au silence . City of shadows , Alexey Titarenko , 1992-94

Au matin l'huile de la nuit collée aux fenêtres derrière lesquelles j'entends "À MORT, À MORT!" une voix d'enfant menant un cortège vers l'école. Homeschooling Chalkboard ,  Lucas Foglia , 2008 

Jamais nous n'avons fêté l'anniversaire de notre rencontre, l'évènement du premier regard, la première nuit, la première promesse. Nous pourrions célébrer l'anniversaire de la rupture, le dernier quai, le dernier regard, le dernier lit, la première mort. A onda , Helena Almeida , 1997

Ce 'tous les jours' qui ne fait pas mes jours, ne dessine aucune image ne repousse aucune limite n’ouvre aucune porte ne me redonne pas le monde. Il n’y a rien à jouer. Série Fictions, Sans titre , Edouard Levé , 2006

Emmène-moi sur les toits dans la forêt au bord de la mer. Sors-moi des zones de silence que je vois ailleurs que je vois devant qu'on commence encore. Montserrat , Alberto Polo Ianez , (date?)

Et moi tu m'écris? Mais les mots ne sont pas encore inventés, des mots à ta mesure, ceux qui diraient ta voix qui s'envole et se brise, ton sourire lorsque dos à dos face au miroir, oui, voilà, tu es plus grand que moi, les mots pour tes hésitations tes colères tes élans. Le mot pour ton visage mouvant. Celui pour la vie qui te presse et moi qui te retient. Céline Constant , sans titre , 2007 ©    

Tu as vu comme d'enfant silencieuse -boulonnée- je suis devenue femme hurlante -déchaînée-? Tu trouves pas ça beau? Je fais trop de bruit pour toi? Improved Flowers , Harmen Brethouwer , 2008

ne pas écrire en deçà de l'enfer Eric Pougeau , Hosties et sang crachés sur croix noire, 2012

L’espace réduit ridicule des toilettes du train, sol en gomme cuvette pédale à eau qui sort devant/derrière, miroir face et dos et le sèche-mains coincé sous la tablette où je passe ma chemise endroit/envers sous le maigre souffle brûlant tandis que nue devant/derrière dans le miroir face et dos le pied écrase les pédales d’eau en bas/en haut dans le lavabo de poupée et les toilettes pour tous de l’espace réduit des WC du train occupé par ma lessive d’après l’amour. Winter , Bridget Collins , 2012

La nuit les excès les transformations les doutes la nuit sans domicile fixe sans tendresse fixe, la nuit je vacille, je mens, je tente l’impossible rejoue la scène, rejoue toutes les scènes la nuit Acte 1 j’entre je sors la nuit qui mène la meute la troupe la danse ? Sans titre , Isabelle Vaillant , 2012

Elle fait des origamis pendant qu’il lui parle si sérieux mais elle ne peut plus rien entendre de sérieux plus rien croire alors elle plie en petit de plus en plus petit la serviette en papier le ticket de métro la nappe gaufrée, d’un coup d’ongle aplatit la pliure trouve encore le moyen pour ne pas entendre pourtant comme elle aimerait y croire, croire de nouveau toutes ces belles admirables apaisantes promesses et déclarations d’engagement, elle trouve encore le moyen donc, de replier l’accordéon tassé dur compact étouffé avec tous les mots dedans et lui suit les gestes de sa main l’ongle qui écrase la pulpe de l’index qui lisse le front qui se plisse les yeux qui débordent et il tente d’écarter les plis de desserrer les papiers d’approcher plus près. Cosmic Surgery , Alma Haser , 2010

Face à face dans l’épais silence du matin, dix-huit ans ton visage transformé dès l’aube, transformé à chaque aube, mes traits se retirent tu affleures si beau, ton geste lorsque tu portes la tasse à tes lèvres, tes yeux en équilibre sur la courbe de faïence,   secousse temporelle, tu te lèves m’embrasses, dix-huit ans mon âge effacé. Installation view , Rachel Khedoori , 2001