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Affichage des articles du janvier, 2014

bouche-à-bouche

La fronde du regard en pleine poitrine le caillou noir rebondit sur les vifs les morts retournent la terre mangent goulûment les abords accouplements élastiques bouche-à-bouche intraduisibles

Eric Pougeau

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Eric Pougeau Sans titre, 2013 Bois, marbre 79 x 37 x 52 cm photo de Cécilia Jauniau Ça commence là. Dès l’enfance. Un bloc de marbre. Puissant comme une naissance. Ça soulève le cœur. Ça soulève l’âme. Dès l’origine. Le cadre t’attend. Le cadre t’espère. Les bornes. Les limites. Ta place calculée aux dimensions de la mort. Ça commence là. Dès l’enfance. Dès la violence. La mise à mort. Tant de pureté dans un bloc de marbre. Se soulève du cercueil. On pourrait croire que c’est léger le cadavre d’un enfant. Combien pèse-t-il sur la conscience ? C’est lourd l’enfance. C’est lourd compact. Quatre poignées, quatre porteurs pour soulever le drame blanc. A peine eu le temps de nous visiter. 79 x 37 x 52 cm : ta place, ta part congrue, ton espace, les dimensions du quotidien et de ton rôle assigné. De toutes parts ils tremblent : la jeunesse fait peur. De toutes parts ils s’approchent, empoignent le cercueil. L’enfance pèse. Le bloc ta

impie

je perpétue - rien - déracine l'origine - tas de fumier - je pulse je pulse je pulse - à vide - trou noir - extrapole - étoiles neuves je pire - à foison - or gras - trahison - je pris je prie je prie - nouveau nom - ascension du grand vertige je précaire - libre - amasse les désirs - assurance vie - je proie je proie je prends - sans rapport - fécondité impie

facile

ce n'est pas parce que j'écris ce n'est pas parce que je publie ce n'est pas parce que je lis ce n'est pas parce que je dis ce n'est pas parce que je pense ce n'est pas parce que je crois ce n'est pas parce que je résiste ce n'est pas parce que je risque ce n'est pas parce que j'insiste ce n'est pas parce que j'avance ce n'est pas parce que je tente ce n'est pas parce que je signe ce n'est pas parce que je refuse ce n'est pas parce que je contre ce n'est pas parce que j'explique ce n'est pas parce que je doute ce n'est pas parce que je veille ce n'est pas parce que je cherche ce n'est pas parce que j'échafaude je descelle je corromps j'amorce je romps je vertige je miroir j'audace j'inouïe j'épreuve que la vie est soudain plus facile

Les ogres

Ils rasent en ligne le mur sur le sol de feuilles mortes dans la salle où la musique rayée déclare cent fois de suite le même commandement en ajustant des costumes noirs surmontés d'une tête baissée vers l'homme adulé à l'écart des femmes accrochées sur les façades intérieures de la construction octogonale grise d'automne et de jouirs victorieux au dos nu d'un bord à l'autre de la robe dégrafée lorsque le cri de l'enfant fige les lignes le mur la salle la musique les costumes la tête les femmes les façades l'automne le jouir la victoire les ogres.

Marseille

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Marseille, plq, 2014

page 16

Bec & ongles, éditions Les Carnets du Dessert de Lune C’est encore loin la fin du monde ? Malgré tous nos efforts, nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité  de vous répondre. Nos meilleures équipes sont penchées sur le problème, penchée jusqu’au vertige. A force, elles risquent de se casser la gueule. La nuit tombe, nous devons interrompre la retransmission, les fouilles, l’enquête, jusqu’à demain. Mais la reconstitution est en cours. Cours de la bourse, courbe de chiffres, courbe l’échine, plus fort, plus bas. Plus bas, descends : tu viens visiter ma cave ? Avance dans le boyau, de la terre plein la bouche, le froid crève ta peau, ta chair se casse comme un rameau, rampe, enfonce-toi bien confortablement. Tu vas voir ce que tu vas voir. Je ne t’avais pas dit qu’ils étaient morts ? J’ai oublié de te dire, prends soin de toi, avance prudemment, ne vas pas trop vite, fixe l’horizon, protège-toi. Nous n’irons plus au bois. Derrière chaque futaie, chaque page, chaque mot,

page 134

  Jeanne L’Étang, éditions Bruit blanc             Tête à tête. Corps à corps. Degas et Jeanne. Degas tourmenté, furieux, agité. Il se plaint de ses contemporains, de leurs certitudes, de leur ignorance. Il se sait seul, il se sent seul. Son œil droit s’enfonce dans les ténèbres, ses troubles de la vision accentuent sa colère. Les flammes des bougies s’accrochent à sa barbe, à l’arête du nez, aux mains nues. Jeanne assise au bord du lit. Cheveux dénoués. Plusieurs chemises transparentes passées les unes sur les autres. Sur la première, les racines, sur la seconde, un tronc, sur la troisième, les branches, sur la quatrième, les feuilles. Sur le châle posé sur ses épaules, des oiseaux. Degas se plante devant Jeanne, ôte les oiseaux, les feuilles, les branches, le tronc, les racines. La chair se révèle, une terre devant laquelle Degas s’agenouille.             Il allonge Jeanne sur la couverture tressée de losanges colorés. Aligne sur le jeté de lit sa palette de pastels. En sais

page 56

Le Plancher, éditions Les Doigts dans la prose Les bois s’approchent plus près de Paule et de Jeannot, l’ombre les avale. Ils ont emporté avec eux tout un attirail. Cornes de vache polies. Pattes de lapins enfilées en collier. Fusil. Garde-robe de Paule. Cafetière pleine et tasses de fer blanc. Képi militaire. Pancartes de carton, marquées de lettres capitales blanches °JUGE° °RETINE° °DIABLE ° ° ŒIL ° ° MACHINE ° ° CERVEAU ° ° FAMILLE ° ° TRUCAGE ° ° HITLER ° . Seau de farine mélangée d’eau. Fourche. Poupons de celluloïd. Sacs de jute percés de trous. Os de bestiaux. Dents. Ficelles. Cordes. Ils sont inspirés. Communiquent par télépathie. Se débarrassent de leurs haillons. Pendent cordes aux branches. Attachent colliers aux cous. Pattes de lapins griffent la peau. Paule fixe deux cornes sur les cheveux longs de Jeannot. Avec ficelle qui serre sous le menton. Mains pleines de boue, s’enduisent la peau. Corps de lutteurs. Boivent nus une tasse du café froid. Percent les carto