L'ENTRESORT

Elle est fatras d'organes qui parle. Oublié l'humain, fendue la peau, écartés les os, elle est amas organique, fragilité palpitante, équilibre miraculeux. Alors survivre dans cet environnement tout en droites, angles, arêtes, tout en dur, obstacles, saillances. Fell for silo , Robbie Rowlands , 2010

S'en approcher le plus possible et l'éviter résolument. Passer sous le porche du pavillon sans lettre, entre les portes J et K. Sans lettre c'est déjà ça, la possibilité d'un nouvel alphabet l'absence d'une marque au fer noir. Sans lettre, c'est rassurant, aucun repère, aucun souvenir, aucun reproche, aucun contenant. Corporate Landscapes , Lars Kirk , 2011

J'ai mis le feu à la providence. Mariakape l, Michiel Schuurman , 2011

Debout, l'orateur hurlant, culbuto indigné, passe d'un pied sur l'autre, harangue les espaces et les vides. Debout, tempête et gesticule, il a tant à dire, il est cette demeure hantée par trop de cris. Debout, sans public, ceux de chair se taisent en passant sous ses flots de mots, s'engouffrent dans leur vie, tunnels de faïence blanche. Debout, pays étranger planté sur le trottoir, "Vous m'entendez?" crie-t-il en montrant les ombres devant lui, et dans le silence qui suit les ombres lui répondent enfin. Sans titre , Sonya Kozlova , 2011 (?)

Il est revenu le grand mal qui tord le ventre rempli la tête puis la vide par la bonde des yeux ; il est revenu et encore une fois elle se demande comment, mais comment s’en sortir, car si seule devant lui, toujours seule face à lui sans jamais trouver les mots qu’il faut, faudrait, pour le chasser définitivement, tiens voilà ta valise et tes sales affaires et ne reviens jamais plus, ne remets jamais tes pieds ici, toi et ta maudite langue noire qui entre dans ma bouche m’étouffe me gorge de terreur et serre si fort mon cœur jusqu’à la dernière goutte. Actinone , Mari Sunna , 2004   

Si au moins il y avait un trottoir elle pourrait en changer et ne jamais le croiser. Map Montains , Louis Reith , 2009-2011

On lui dit : "L'important c'est qu'ils se sentent rois. Même pour un instant." Alors elle avance à tâtons au milieu de ses rois, gosses disjoints, ventres concaves de faim, cerveaux convexes d'inquiétudes, ânonne des mots modestes, avance plus loin, missionnaire exotique dans un décor d'Helen Levitt, mais c'est ici et maintenant et pour toujours alors? les gamins des rues en Marcel crasseux jouent entre les poubelles incendiées près de la caravane des putes tandis que les mères en plein midi sur le seuil d'un chez-elle de béton brut - gondolé - tuyauterie bouchée - fenêtres scotchées - humidité malfaisante- misère au carré, tendent leur visage de cendres et leur corps en robe de chambre de polyester troué vers un soleil d'apocalypse. Crystal Palace , Baptiste Debombourg , 2008

Gaz - gaz   - gaz Trois fois le dire Une fois le faire Et l’allumer. Les jours d’avant : la part écrite, La poésie- poignées de mots. Mots alliés - Mais l’ennemi – poing serré. Gaz – gaz – gaz Trois fois le dire Une fois le faire, Tentatives de vie quotidienne Cabanes écrites Cœur écharpé, échappée laide. Gaz – gaz – gaz Tissus roulés dans les fissures Ne rien laisser s’échapper Mise en danger exclusive Et sur l’assiette, à l’abri de moi tartines beurrées et verres de lait. Mask X , John Stezaker , 1982

Je me suis couchée sur ta tombe pour voir ce que tu vois - ramages, bris de ciel - rien que tu n'aies déjà parcouru. Desert , Elina Merenmies , 2006

Trouble - troublance - troublement. Ta main relevant mes cheveux sur ma nuque, les allées-venues bourdonnantes du séchoir, la mémoire qui trébuche, tend ses bras d'enfant, la tête qui chavire sous la langue chaude de l'intime familiarité. Hand, Elspeth Diederix , 2009

En rentrant chez elle,  elle a croisé un papillon qui dévalait l'escalier sans jamais toucher le sol. Katana , Kristie Muller , 2011 (?)

Accroupie, souffle sifflant, gratte la terre qui colle encore à ses talons, la terre de leur dernière promenade, la promenade des sans merci. Accroupie, racle, récure, bouillie de terre et de larmes, dînette d'enfant pour chagrin d'adulte et puis soudain ses deux poings comme des armes qui s'enfoncent au fond des chaussures et elle - rampe sur la terre mains camouflées dans chaussures d'assaut. Nascent , Monika Mogi , 2011 (?)

Pendant des années, cheveux teints, rasés, peau tatouée, percée, vêtements voyants, vert, fuchsia, panthère, or, et puis les années écoulées, les fringues remisées, les cheveux repoussés, la pudeur affichée, sans atours, sans excès, sans éclat. Mais la nuit, lorsqu'elle est nue, elle n'est pas sûre de n'être plus excès, folie et éclat. Untitled , Graham Caldwell , 2007