MAM



Balthus, Le salon II, 1942 (détail)



Donc aller rencontrer Balthus, ou plutôt DerainBalthusGiacometti mais finalement surtout Balthus au Musée d’Art Moderne MAM plein de majuscules où l’exposition est belle très belle n’en doutez pas, Balthus surtout bien que quelques natures mortes au noir de Derain et ses fonds verts et mats et tendus comme peau de tambour et toujours les déséquilibres de Giacometti mais enfin ici on célèbre leur amitié grande&forte jusqu’à la mort l’admiration et l’entraide – ça existe ? oui ça existe existait – donc s’engager dans l’exposition au parcours construit en huit sections, « un fil conducteur » nous prévient-on et dans « fil » j’entends fin j’entends gracile j’entends fragile mais après quelques pas fil devient filin cordon corde câble qui surveille oblige contraint que les pas tracent de la section 1 à la section 2 et ainsi de suite jusqu’à 8 soit :

-          Le regard culturel
-          Vies silencieuses
-          Le modèle
-          Jouer, la patience
-          Intermezzo 1/Intermezzo 2
-          Le rêve – visions de l’inconnu
-          A « contretemps », dans l’atelier
-          La griffe sombre

presque de la poésie absolument de la poésie ces mots et surtout Balthus le souffle retenu crevé soudainement par Artaud gueulant et déchirant quand me saisit l’absolu nécessité de revenir sur mes pas de la section « rêve » à la section « silence » oreilles bouchées pour échapper aux cris « PAS DE PHOTOS » hurlés à intervalles réguliers par les miradors de chairs sur deux jambes et bras pointés « PAS DE PHOTOS » aboie aboie aboyez chiens de garde gardiens de l’âme des œuvres alors car la photo si dangereuse pourrait/peut « PAS DE PHOTOS » voler l’âme voler l’œuvre voler l’homme qui chavire voler la culotte de Thérèse voler l’émotion et ça grogne et ça gueule et si ça pouvait ça frapperait l’ordre c’est l’ordre c’est l’autorité c’est la discipline SECTION, SALUEZ ! je me faufile ventre à terre remontant donc de la section arrière à la section devant quand brusquement on m’attrape on m’accoste on m’interpelle on me menotte d’une phrase « VOTRE BILLET » PAPIERS ! LAISSEZ-PASSER ! on ne murmure plus dans les musées on crache FORT et l’uniforme m’empêche d’avancer d’un pas de plus répétant « VOTRE BILLET » car enfin j’ai dévié j’ai rebroussé j’ai, émue, voulu revoir une lumière là-bas, aller du rêve au silence, sachant bien que je ne cesserai ces aller-retour au son de ma musique et de mon regard indiscipliné écrivant son propre parcours décochant ses propres visions accrochant ses propres cimaises reliant ses propres révélations mais « VOTRE BILLET ! » un ton plus haut encore plus haut la nausée me prend je vais vomir sur ses chaussures je suis suspecte je suis fraudeuse on m’a vu dans la section 5 puis soudain dans la section 2 puis de nouveau dans la 4/5/6 et 7/6/8/2 n’importe quoi ! fraudeuse d’art déviante ne suit pas le parcours indiqué le FIL savamment construit tenu d’une section  à l’autre et m’indiquant JE NE SAIS PAS LIRE ? la marche à suivre l’émotion à suivre et donc RÉBELLION , mon ticket depuis longtemps, dès la section 3 réduit à une bouillie indéchiffrable serrée dans mon poing mouillé oui l’émotion me fait mouiller et pleurer et transpirer et trembler et serrer les poings et chantonner toutes attitudes suspectes ajoutons la FRAUDE supposée et me voilà donc en face de cet uniforme beuglant, l’Homme qui chavire de Giacometti s’abat lentement sur moi, le feu brûle dans la cheminée des Beaux-Jours de Balthus les flammèches lèchent la jambe tendue d’Odile et son chausson blanc perce mon œil de son éclat aveuglant je ferme les yeux échappe un instant à la face luisante qui éructe BILLET il n’y a rien dans ma main une bouillie que j’écrase contre ma bouche pour ne pas vomir sur les cris ci-devant 
Fraudez Fraudez toujours fraudez l’art la vie allez votre chemin vos intuitions rebroussez le fil coupez-le déchirez à pleines dents les convenances le convenu vivez au rythme de votre cœur de vos violences de vos intimes convictions fuyez l’espace des disciplines REFUSEZ j’ai mâché pour vous j’ai vu pour vous j’ai décidé pour vous à coups de triques de tickets de droits d’entrée de sortie de réfléchir d’éprouver la bouche tordue fulmine toujours de plus en plus près de mon intégrité vagabonde tourne les talons bien que tremblante d’indignation je m’éloigne sans tomber le lourd galop des porcs ça grogne et ça frappe dans mon dos, d’y penser j’en ai mal à l’âme au corps qui lentement ploie mais ne tombe pas mais se retourne mais sort l’arme photographique mais capture l’uniforme beuglant apoplexique à présent devant cette double interdiction bravée DÉPRAVÉE double outrage je ne serai jamais ni docile ni utile et DerainBalthusGiacometti à mes côtés mais finalement surtout Balthus je quitte le MAM son fil et ses capitales.






Une amitié artistique
Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
11 Avenue du Président Wilson
75116 Paris
























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