Hannah et ses échinops

 

Hannah Höch en son jardin, 1970
&
Perrine en son jardin, 2022
"nos échinops"

Le Journal du MOUVEMENT DADA, ce sont 230 pages .
Publié chez SKIRA en 1989 - emblématique de tout ce qui a été écrit, de tout ce qui est écrit sur DADA.
230 pages de plus. 
Marc Dachy écrit    -     il écrit DADA, c’est-à-dire qu’il écrit les hommes DADA.
Sur les 230 pages Hannah Höch a le droit à 2 lignes complètes - je ne compte pas les fois où son nom apparaît au milieu d’autres noms.
Les 2 lignes complètes sont :
1 - "Hannah Höch, après avoir séjourné aux Pays-Bas dans l’entourage de Stijl de 1926 à 1929, s’est cachée dans la maison du gardien d’un aéroport désaffecté de Heiligensee (nord de Berlin) durant toute la guerre. "
2 - "En 1978, à Berlin, Hannah Höch, dans la maison où elle s’était cachée durant la guerre." (l'auteur parle de son décès)

cachée......................durant..........................toute.............................la................................guerre

J’entends « où elle s’est planquée »
Voilà ma colère, voilà mon profond mépris pour les histoires de l’art écrites par des hommes pour les hommes, ce pinacle de la création masculine qui nie, écarte d’un revers de la main qui gifle, ignore et laisse sous-entendre des abjections.
Et cette méconnaissance, cet aveuglement, je l’ai croisé - non pas croisé mais pris de plein fouet, en plein visage - durant toutes mes lectures et recherches pour écrire mon livre sur Hannah Höch
Tant d’ignominies, tant de silences
Dans les documentaires sur DADA on ne la voit pas - Höch est le silence.
Dans la grande étude de Robert Motherwell sur Dada elle n’apparait pas - Höch est le silence
Dans les archives on ne la remarque pas - Höch est le silence.
Dans les bases de données on ne la trouve pas - Höch est le silence.
……………Your search for hannah höch returned no result………………….
Dans les encyclopédies les dictionnaires les histoires de l’art les honteuses réductions :
oh ….. « Hannah Höch (1889-1978), compagne de Raoul Hausmann, a tricoté, brodé, fait des poupées fragiles »
oh ..... " Plus proches des expériences zurichoises sont les "photomontages" de Hausmann et de sa maîtresse, Hannah Höch."
oh ….. « elle a tapé sur un couvercle de fer blanc  »
Et encore : France la Culture l’émission L’art est la matière : « Dada es-tu là ? » raconte la très belle exposition de l’Orangerie « Dada Africa » où l’on ne voit qu’elle, Hannah – sur les ondes pas un mot son nom n’est pas prononcé – 59 minutes 04 sans elle
POURTANT PARTOUT
Dada EST ce GRAND mouvement d’avant-garde ! de brise-tout ! de l’anticonventionnel pur rude dur ! qui revendique qui revendique qui revendique L’amour libre ! ! La libération sexuelle ! La création d’une centrale sexuelle dadaïste ! L’égalité homme/femme !  qui revendique qui revendique dique dique dique Donnons une place aux femmes ! dique dique Hannah doit se battre toute sa carrière pour être plus que la « fournisseuse de sandwichs, de bière et de café » (Hans Richter sur Hannah HÖCH), la 
« good girl » (Hans Richter sur Hannah HÖCH)

Tout cela je le démonte dans mon livre.

Mais là, ce que je veux dire tout de suite, après la lecture des 232 pages du Journal du Mouvement DADA c’est :
Hannah Höch l’immense et modeste artiste, ne s’est pas planquée dans sa maison durant toute la guerre
Hannah Höch illégale depuis 1933, Hannah homosexuelle, en couple avec Til Brugman
Hannah Höch dégénérée  -  son art interdit
Hannah Höch artiste et homosexuelle, amie fidèle, cache au péril de sa vie les œuvres DADA dans son jardin - durant toute la guerre
Hannah en sa retraite. Son Merzbau végétal. Pendant les années de guerre, le jardin protecteur impénétrable. Le jardin essentiel à la survie en tant que cachette et source de nourriture. Dehors l’acier.
Hannah, dans le plus grand dénuement.
Le jardin le potager les poules.
L’isolement radical.
Désapprendre la parole.
Constamment surveillée et dénoncée par des voisins zélés. Le gros troupeau gavé aux mamelles du IIIe Reich. Décervelé abêti. Ne pense pas ne ressent plus, suit. De la méfiance plein les veines. Retour aux instincts primitifs, tout le monde se méfie de tout le monde.
Survivre.
Hannah Höch Haus. Vend les fleurs du jardin au cimetière et les fruits au marché.
Hannah des poules des œufs du tabac des roses. Marchande de 4 saisons.
Survivre.
Invisible et effacée, un faux pas et elle serait emprisonnée.
Hannah absolument seule, absolument silencieuse durant toute la guerre ne dira pas un mot.
Vit les attaques aériennes toute seule dans sa petite cave.
Son nom Hannah Höch, inscrit sur la Liste noire. HH recherchée par la gestapo. Prend une fausse identité pour le voisinage.
Pas bouger.
Survivre.
« Disparaître aussi complètement que si j’étais rentrée sous terre. » (H.H.)
Le courage et l’inconscience de conserver tout l’art et la littérature dada subversive dans la maison. « Dans l’armoire où j’entreposais mes dessins il y en avait assez pour condamner à mort tous les anciens dadaïstes résidant encore en Allemagne. » (H.H.) Dans l’armoire goudronnée et aussi enterrés dans le jardin dans des boites en fer. 
Survivre en silence, travailler en silence travailler sans relâche travailler clandestine dans la petite maison au pignon pointu, 33 Wildbahn - Heiligensee.
Hannah Höch hors-la-loi
Hors-les-normes
Hors-les-livres
Hannah en plein cœur
 

Les mains d’Hannah, mes tentatives de biographie d’Hannah Höch paraîtra en février 2023 aux éditions Tinbad, qui ont publié Ruines, mon livre sur Unica Zürn (2017).








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