L'immobile

 




Le poème il vient de là il vient par-là, il rompt le souffle il s’élance en solo il reprend son équilibre aux bords de l’espace, à droite à gauche, il creuse. Il ne couche jamais dans les lits préparés pour lui[1]. Je ne sais jamais. Si je vais écrire de la prose ou de la poésie, je sais le langage, je sais le son le silence le temps. Mais ma main lorsqu’elle se pose sur le papier, elle ne sait pas nous ignorons, cette vision cette image cette femme cet homme cet animal ce ciel cette boue, seront-elles poème seront-elles prose ? C’est dans l’immobile. L’immobile qui dépouille qui me dépouille qui brouille mes pistes, brouille mon entendement, que la poésie prend son élan. Elle entre où elle veut. En plein milieu de la prose, en plein cœur de la page, début fin, elle choisit.

Le poème choisit. J’ai de la chance lorsqu’il me choisit.



















[1] Jean Dubuffet :  “ L'art ne vient pas se coucher dans les lits qu'on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom. Ce qu'il aime, c'est l'incognito, ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle.” in PROSPECTUS ET TOUS ÉCRITS SUIVANTS, 1967


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