L'ENTRESORT

  comme elle aimait c’est vrai ces états limites ces presque morts ces moments journées semaines ces durées ajournées hors du temps hors de son corps hors des souffrances comme elle aimait c’est vrai toutes les drogues tous les dépassements les chavirements tous les suicides cachés comme elle aimait ne plus sentir ses dents ni sa peau ni son poids ni leur regard comme elle aimait c’est vrai marcher à côté d’elle vivre à côté d’elle mal penser mal voir mal respirer mal vivre c’était ne pas vivre avec eux avec elle avec lui avec elles avec luis c’était oublier d’être c’était être le moins possible mais en même temps être ailleurs être là, la différente comme elle aimait presque revivre presque espérer presque croire que tout finirait, finirait bien ou mal mais tout finirait, comme elle aimait serrer ses dents marcher vite les lignes courbes les trous noirs les disparitions c’est vrai elle aimait les yeux à la place des mains les mains à la place du ventre les épaules dans la bouche l...

  Dans une flaque de soleil cinq chevreuils couchés masques de lumière éblouissent flash flash flash flash flash au loin les guerres elle les entend le chien se couche au profond tremble la terre ses dirigeants ses dictateurs ses abuseurs ses opposants sans racine ils étendent leur domination la terre, inconsolable abattus les arbres bourgeonnent encore dans le ciel tourbillons des rapaces    

  elle a ôté l’appareil de ses oreilles les verres devant ses yeux les semelles sous ses pieds elle avance à tâtons à l’aveugle en confiance avec le chien dans les coulées de la forêt avec la solitude dans les coulées de l’écart du museau le chien  pousse  sa main flottante

  Sous un déluge de banalités tu vois la vie comme elle peut être bien rangée Cartes après fiches après mots de passe Range range tu ignores qui te rangera Te mangera Te bouffera T’éventrera Te ratatinera Te recrachera T’éliminera   Sous une pluie de recommencements tu vois ta vie comme elle peut être dérangée Déconnexion après désactivation après disparition Détraque détraque tu ignores qui te rejoindra Qui se ralliera Qui participera Qui en guérilla Qui te soutiendra Qui vivra verra

  j’ai commencé avec le premier mot sur la page son rugissement les mots n’existent plus piégés comme œufs pourris les mots éternel danger des mots d’éternité en danger mots d’éther transformés en guerre  sur la page maintenant des morceaux d’étoffe des déchets de coton des grumeaux de terre des bouts de bois des pièces de fer des fioles d’odeur des souvenirs de fourrure des excréments d’humanité le langage nous a tué nous n’en n’avons pas pris soin suffisamment soin je m’assois sur le porche me laisse glisser le long de mur lentement en tremblant et enfin m’accroupis le silence tient bon  à travers le vaste espace nocturne

Humain cherche cherche le plaisir Cherche cherche le miroir Chercher cherche le pouvoir Tandis que d’autres Cherche à manger  Cherche une sécurité Humain le face à face sans cesse contrecarré  sans cesse contrarié car  +  veut + veut encore + qu’importe les cadavres + ! ++++++++++++++++++++   +++++++++++++++++++ Oui cela remonte à loin le dernier chant choral l’enterrement de la dernière                     civilisation maintenant des rois se couronnent                      rois ils règnent maintenant                      LE RÈGNE

                                     Malaise dans ma civilisation Buildings bodybuildés Érigés De sperme et de crachats Tandis qu’au-dessous De sueur et de larmes Frêles abris Branches couvertures           Peurs   Opacité des manœuvres opaques des contrôles Nos données entièrement offertes Comme cuisses écartées Comme corps étripé Comme cerveau sucé Ici le consentement au bas des écrans J’ACCEPTE De plus en plus j’accepte jusqu’où j’accepte Jusqu’au bout Ils accèdent   Cocher décocher Prouver accepter Cocher pour accéder à la case suivante Le meurtre suivant La pendaison suivante L’asservissement Exhibé Exhibit Exit

  elle a abandonné le langage à l'orée de la forêt chaque matin à l'ouverture de sa porte un pas de côté de plus en plus pressée de respirer de flâner de s'effacer loin de flonflons des fanfares des faussaires des faussetés elle en avait bavé à présent, au cadran des ombres, se recueillir

 

  enfant douée pour la soumission enfant perdue par la soumission enfant domptée par la soumission l’enfant loyale née vieille vieille vieille quasi morte complètement enfoncée   bouche pleine de plumes  pleine de pus  pleine de peine  pleine de plomb  peine de pus  peine de plomb  bouche pain mange ce qu’elle trouve excès surtout excès tout ce qu’elle trouvait   violence matrice                matris                matrum                mater                maternelle                maman violence maman   je regrette, disait la voix ...

la nuit de la lecture organisée par  la Librairie Esperluette de Lyon 

  ce qu’ils veulent – mais que veulent-ils des esclaves, des armées des enfants.soldats de la chair à broyer des cerveaux lessivés ils veulent la mort de l’art la mort de la culture la mort des partages l’enterrement de la transmission depuis toujours ils veulent notre mort ils veulent écraser la différence incendier l’intelligence ils piétinent ils se baffrent ils génocident ils attendent l’obéissance la résignation les pendaisons les suicides les effondrements pour mieux régner pour mieux enfermer pour mieux se débarrasser ils déforment ils expulsent ils festoient ils terrorisent ils humilient ils époussètent.d’un geste las les doléances les besoins vitaux les futurs seul leur présent compte, recompte, les montagnes d’argent les richesses volées les scandales les malfaiteurs les malfaisants les puissants les criminels le cycle est infernal le cycle est interminable le cycle est irrespirable   ce qu'ils osent - comment osent-ils

  elles allaitent, elles allaitent beaucoup elles se baignent, elles se baignent souvent elles martyrent, elles martyrent énormément elles posent, elles posent éternellement elles minaudent, elles minaudent tellement elles rêvent, elles rêvent secrètement elles hurlent, elles hurlent intérieurement une année de déplacements de trains et leur retard, d’arrivées dans des villes françaises, dont, si j’ai le temps, je visite le musée des Beaux-arts, et là, des femmes, des femmes peintes, des centaines de modèles, et toujours elles allaitent, elles allaitent beaucoup elles se baignent, elles se baignent souvent elles martyrent, elles martyrent énormément elles posent, elles posent éternellement elles minaudent, elles minaudent tellement elles rêvent, elles rêvent secrètement elles brulent, elles hurlent intérieurement elles attendent  la même chose que moi

  Avec Ronan Courty nous aimons David Lynch. Tout. Les images les labyrinthes, les coulisses, les musiques qui sont des films, les dialogues qui sont des musiques, les écritures mouvantes, glissantes, les lumières fondantes, nous aimons son univers sa philosophie ses attentes. Lorsque nous avons composé Christa , notre oratorio, c’est Lynch qui a guidé nos recherches de sens, de sons, de mots. Grâce aux talents conjugués de toute l’équipe, Viviane Gay, Linda Oláh, Pierre Favrez, Perrine Maurin, Sara Lebreton, notre rêve est devenu non pas réalité mais absolument lynchéen. Aujourd’hui Christa est prête. Aujourd’hui David Lynch est mort. Plus que jamais nous considérons notre oratorio comme un hommage. Une réalisation hybride, hypnotique, décalée.  Ni théâtre, ni concert, mi humaine, mi animale, pop et expérimentale, technologique et artisanale, notre création ne rentre dans aucune définition. Et effraie les programmateurs, les programmatrices : c’est « trop », c’est « pas assez...

  Il a fallu  S’endormir de plus en plus Disparaître oublier de plus en plus Il a fallu Marcher à tâtons vivre à tâtons respirer Grandir survivre il a fallu Retourner aux miettes Creuser plus loin la terre s’enterrer Sachant qu’à chaque pelletée un meurtre en nos noms Sachant qu’à chaque respiration des failles Ils ont failli   je cherche l’éclaircie je cherche à passer dans la gorge terrestre je cherche à détacher la pierre dure de ma tête le rocher remplit complètement ma tête de granit je cherche des corps de nuages des cous de spirales l’avènement de la porte ouverte

  Trois déclarations d'amour à Nijinski - 25 janvier, 19h30, Cercle Ste Irénée, Lyon - 31 janvier, 19h,  Librairie L'Apothicaire , la Souterraine -- 4 février, 20h30, à la Maison de la poésie de Paris. ( Réservations ouvertes : ici  ) Lyon, La Souterraine, Paris

  Au rythme du chien la forêt Grosse joie la voilà là Ange voutée Jaune-châtaigne Rivée sur l’irréparable   Le chien stop son swing Partout on tue c’est le silence qui le dit La chasse encore la chasse Les ombres s’allongent elles salivent Portent nuit   Le charisme de l’attente Pas l’action L’attente Par l’absence, dédoublée   Le dernier souffle de la bête Le dernier souffle de la langue Final