Les ignorances
il va
falloir rentrer et personne n’en saura rien. Jusqu’où tu es allée les
rencontres les déserts les soleils dévisagés les ténèbres traversées personne n’en
saura rien. L’endroit où tu es tombée l’endroit où tu t’es relevée les éboulements
les éblouissements et les découragements personne n’en saura rien. Comment tu t’es
invitée là où on ne t’attendait pas comment tu t’es installée comment la
précarité la désespérance et les folles joies personne jamais. Il va falloir
rentrer et l’épuisement de tes mains les blessures de tes poumons le silence
encore plus loin
il va falloir
rester tenter respirer il va falloir tenter va falloir trouver un souffle au
milieu des autres recoller le masque grimacer il va falloir rester un peu le
temps de présenter le temps de se rappeler personne n’en saura rien personne ne
regarde rien personne n’écoute personne ta grande aventure solitaire devant les
cloisons d’indifférence personne
il va falloir
repartir et personne n’en saura rien, l’absence de boussole l’allégresse du
rien de la nudité de l’ignorance il va falloir repartir s’embarquer de nouveau
à nouveau la page blanche à neuf les soleils ne brillent pas assez pour crier le
ravissement, rentrer enfin chez soi où personne n’en saura jamais rien