Heidi et l'araignée

 

Elle ne cesse de tisser de passer devant mon regard de corriger de reprendre d'attendre. Fascinante beauté mes pensées s'enroulent autour de Louise et de ses géantes. Je reviens à l'écran étroit où mes filles emprisonnées guettent le trou dans la toile par où elles s'échapperont. Je dois les laisser pour le moment. Les laisser je dois reprendre retisser retendre le manuscrit de Nijinski que nous corrigeons avec l'éditeur. Fils lancés entre lui et moi, les mots y glissent j'aime corriger ciseler jusqu'à l'âme et parfois comprendre à force d'allers et venues sur le canevas des signes ce qui a été écrit dans l'extrême tension. Comprendre ou s'approcher - frôler de nouveau l'angoisse d'une enfance vécue dans le silence. 
Dans le silence je berce Monelle, Petit-Sabots et leurs 198 compagnes, ce silence de l'écriture qui est le seul à pouvoir nous sauver. Elles en profitent pour marteler ma table, jouer dans la toile de l'araignée, s'inventer des évasions. Patientes héroïnes, elles le sont toutes. Mes héroïnes - et Nijinski si précisément lové en moi - Nijinski ma chaleur mon élan. Je retourne près de lui - il est un chapitre plus difficile que les autres que je dois desserrer pour y laisser entrer la lecture. 
Alors
Revenir à Heidi Bucher, m'hypnotiser de nouveau à son travail  décoller avec elle la peau des murs de la clinique de Bellevue, Kreuzlingen, où il fut interné plusieurs années. Aucune autre image ne m'a tant donné que celles nées de l'art d'Heidi Bucher, son langage fortifie mes visions, c'est lorsqu'elle traîne la peau des murs que je peux écrire le corps arrêté de Nijinski, c'est lorsqu'elle passe dans la lumière de l'abandonnée que je deviens celui qui a été abandonné, c'est lorsqu'elle protège lorsqu'elle sortilège lorsqu'elle ressuscite que ma langue devient vivante.

Il fait gris aujourd'hui, l'araignée s'en fout et l'écriture aussi.




















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