Effraction
plq, Doedskamp, 1915, détail, Oslo |
Pleurer des
morts qui ne sont pas les miens, des morts de peinture, des morts de Munch.
Entrer par effraction, des scènes de deuils, des seuils resserrés entre des mondes dilatés.
Trembler
devant une robe blanche masse triangulaire épaisse sanglée d’une ceinture rouge
Deux matières
qui se rencontrent qui se percutent se hurlent dessus se heurtent pour peindre
finalement une robe blanche et sa ceinture rouge
À la suite agrippée
crochetée une cohorte d’ombres des masses compactes ruisselantes, une aile
noire
Les bottines
sombres glissent sur le sol d’huile
Dilatations
ondulations violentes coulures
des rapidités des flux contraires
des rapidités des flux contraires
Tout est
drame tant les limites floues ambiguës sont toutes dépassées toutes outrepassées
et nous projetés dans un outre-monde un outre-temps de corps flottants
'Le peintre
et son modèle' autre vertige de formes diluées en long lacis lassos ivres de
couleurs l’intérieur est aussi l’extérieur comme chez tous les peintres que j’admire
d’un angle à l’autre de la toile écarter l’espace voir le soleil se lever s’enflammer disparaître
dans une chambre fermée et dans le corps bleu-rose-jaune de la femme ses deux
tétons carmin, deux traits à l’horizontal les deux seuls traits solides d’une peinture
qui s’échappe perpétuellement se délaye en mouvements aquatiques des profondeurs
de l’âme c’est pourquoi on dit de lui non pas un "génie" mais "a human
being" ce peintre immobile fermement campé sur ses jambes ouvertes et son
modèle femme flamme léchante troublante qu’il ne peint pas il est devant, effectuant pour notre regard l’ultime
étape en quelques tâches en quelques mots montrer ressentir et cela directement
sur ma rétine un mur et son angle autour d’une veillée mortuaire où les mains
vivantes traits lunaires en arc-de-cercle font et joignent la désolation sans
visage – une lamentation innommée – autour du corps gisant sous la tonnelle des fleurs
du papier peint que mon corps secoué de larmes comme les personnages sont des
larmes se dispersant aux bords d’abîmes insondés aux abords psychiques d’inquiétude
inondée