Marie Füri
Marie Füri, Lettre (détail) |
Mais elle
cependant, sait elle sait
tait ce qu’elle
écrit plié papier rose ligne tracée crayon en soubresauts vaguement vaguelettes
épileptiques et crêtes taisent elles taisent
tensions émotions
Marie Füri a gagné son nom d’un bord à l’autre bout l’invasion petit bouillon
de l’illisible secret de chair de poule sur la peau rose jusqu’au cerveau
De loin ça
grouille chuchotis et commérages je me déplace d’un pas le temps des visites au
parloir de Marie Füri, terminées me revoilà face à l’écume de la phrase quand
je cours avec un rasoir je sais c’est écrire comme Marie Füri pas mieux pas
mieux
Elle gigote
dans son écriture la langue sortie peut-être mordue le geste vite ça va très
vite Marie Füri beaucoup à dire gros sur le cœur du papier rose les traînées de
poudre de Marie Füri fera tout exploser les mouches en premier
Pattes de
mouches le bourdon dans la gorge de Marie Füri la strangulation l’encéphalogramme
en ridules sur le sable rose raz de marée Füri en fait je crois à me rapprocher
trop près que c’est un seul et long mot camisolé dans l’intimité de Marie Füri
son cœur bat si fort à présent lorsque j’arrête de courir range le rasoir ma
tête je la pose sur une épaule mon cœur y bat mais toi où est l’épaule où te
reposer ?
Marie Füri
tu crois qu’on s’en sortira de cette phrase interminable cette phase
des mots si je les récite devant un miroir regarde il y a de la buée je suis
toujours vivante et plus de mots plus de buée le visage disparu ainsi vivante
toujours plus vivante devant la buée de nos mots leur souffle m’efface progressivement
condense leur fragile intensité au mouillé de la bouche la grotte des poumons
Respire Marie
Füri que je reprenne ton souffle
Marie Füri (1893-1929), lettre visible à la Maison de Victor Hugo, exposition La folie en tête.