LA JAVA BLEUE


Quelle est la part de réel dans cet extraordinaire portrait de Pascin brossé par Joann Sfar ? L’auteur précise que les faits sont imaginaires. La vie du peintre et dessinateur Julius Pinkas dit Pascin se révèle être, dans la réalité comme sous le trait de Sfar, une plongée vertigineuse dans le Montmartre des années vingt et l’Ecole de Paris, de bordels en cafés, de rencontres en beuveries, de créations débridées en anecdotes pimentées, d’élans en virtuosité.

Celle-là même qui agit la main de Sfar, qui écrase son trait noir pour mieux cerner la fulgurance de cette personnalité atypique.

On croirait lire Henry Miller et Gertrude Stein, tant l’intimité avec Pascin se noue et s’amplifie à mesure des pages. Son Paris nous appartient : chaque rue, chaque rencontre et chacun de ses coups de gueule, de génie ou de hanche devient notre.
Jusqu’à l’apothéose, que Sfar éclabousse de couleurs. La Java Bleue, c’est Pascin au crépuscule de sa vie, Pascin amoureux, plus fragile alors, et qui livre entre deux bouffées de cigarettes, sa philosophie de la vie et des femmes. Et une nouvelle fois on est touché par ses phrases qui explorent un registre amoureux universel.

Les pages deviennent tableaux, lavis bleus, verts, mordorés, traversés d’un trait noir si fin qu’il ajoute à ce sentiment de langueur propre à l’état amoureux. Certains moments suspendus s’abandonnent dans de pleines pages au tracé libre, dépouillé et baigné de couleurs. Le sexe s’écrit ici dans une orgie spontanée de valeurs et de sensations qui déborde les personnages et leurs émotions.

Endiablée, voluptueuse, philosophique ou crue, l’écriture-dessin de Joann Sfar inscrit Pascin au Panthéon des grandes figures artistiques du vingtième siècle. Ce que Julius Pinkas n’aurait sans doute pas renié.

PASCIN - LA JAVA BLEUE
Joann SFAR - l’Association - 74 pages

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