Musée Dupuytren



Baron Guillaume Dupuytren
1777-1835 
anatomiste et chirurgien militaire français. 
Fondateur d'une Chaire d'Anatomie Pathologique
et créateur d'un Musée Anatomique, nommé en son honneur le Musée Dupuytren.


Comme toujours lorsque ce qui est donné à voir perturbe et échappe aux mots communs, il faut en revenir à la définition. 

Un musée, qu’est-ce que c’est ? « Établissement dans lequel sont rassemblées et classées des collections d’objets présentant un intérêt historique, technique, scientifique, artistique, en vue de leur conservation et de leur présentation artistique. » 

Le Musée Dupuytren remplit exactement et parfaitement ces fonctions. 

Fondé en 1835, contemporain de l’institution de la Chaire d’Anatomie Pathologique de la Faculté de Médecine de Paris, le musée rassemble les archives de la Société Anatomique de Paris et le fonds Déjerine. 

Voilà pour le papier, pour ces deux salles qui ouvrent le musée, deux salles comme deux respirations avant de pénétrer dans le coeur de la collection. 

Ici, dans une seule pièce largement éclairée par une série de hautes fenêtres, des rangées d’armoires en verres où attendent des représentations en cire de diverses lésions, disséquées ou non disséquées, pièces spectaculaires, objets d’études de praticiens tels Corvisart ou Charcot, réalisées par les plus grands noms de la céroplastique comme Jules Baretta (auteur du Musée de Saint-Louis), Jacques Talrich, Tramond et Jumelin. 

C’est de la cire et cela ressemble à de la chair : moulages successifs à trois stades différents de la dissection d’un même anévrysme syphilitique de Chaussier, ou encore deux pièces de bec de lièvre représentées avant et après opération. Réalisme perturbant, technique et scientifique, et pour le public néophyte, objet didactique d’interrogations et de leçons. 

L’œil poursuit son voyage dans le corps, avec les pièces osseuses, plusieurs milliers, allant du squelette complet aux crânes ou aux fragments osseux. 

Après la cire et avant les pièces immergées, les os sont autant de traits rassurants de notre anatomie, pièces d’architecture corporelle, échafaudage lumineux de notre structure, malmenée par les maladies : tumeurs, rachitisme, scolioses, bassins dystociques. Et puis les vedettes, pour lesquelles on se déplace spécialement : Pipine, phocomèle (« dont les membres sont réduits à une seule extrémité : pieds et mains reliés au tronc) parvenu à l’âge adulte dans la seconde moitié du XIXème siècle. Son squelette voisine avec sa statue de cire, le montrant tel qu’on l’exhibait dans les foires, ces entre-sorts où le monstre est devenu monstrueux. 

Et c’est ainsi que l’on parvient à la troisième catégorie d’items du Musée. Et c’est alors que l’on a l’impression que le Musée abrite plus qu’il n’expose, les corps et fragments qui peuplent les étagères de verre. 

Alignement de bocaux, fœtus à différents stades de leur évolution, parfois à terme, conservés dans un fixateur spécial dont les anciens laborantins de la chaire d’Anatomie Pathologique avaient le secret. Leur visage écrasé contre la paroi du bocal, corps replié, boite crânienne découpée, anomalies inimaginables, cyclope, siamois, fragilité du corps, transparence de la chair, tératologie animale, autre dimension, parcelles humaines, mains, pieds, organes, foie, cœur, cerveau. Le cerveau de Tan qui permit à Paul Broca de décrire l’aphasie et d’élaborer la doctrine des localisations cérébrales. 

Historique, technique, scientifique, artistique. 

« Au XIXème siècle, le fou est à l’asile où il sert à enseigner la raison, et le monstre est dans le bocal de l’embryologiste où il sert à enseigner la norme. » Georges Canguilhem. 
Après la visite, la frontière entre norme et anormal s’éclipse. 

Le corps humain, lorsqu’il est contemplé dans sa chair et dans ses organes, ne connaît aucune frontière, aucune norme.

Musée Dupuytren - Centre des Cordeliers - 15 rue de l'Ecole de Médecine - 75006 Paris. ouvert du lundi au vendredi de 14h à 17h.


















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