Sur la route


KAN - BANGKOK

Il était là, assis par terre et absorbé par ses dessins, au milieu de la fourmilière thaïlandaise, dans une de ces rues perpétuellement animée et débordante. Seul élément immobile et silencieux de la rue, des piles de feuilles devant lui, il aurait pu passer inaperçu.

En me baissant, j’ai découvert son monde. Un monde suspendu, au bord du néant.

Fillettes, poupées, geishas dont on ne voit que le bas des kimonos, les créations de KAN se balancent du haut de la feuille dans le vide. Elles oscillent entre l’enfance et la mort, entre les bords et le trait.

L’agitation de la ville se brise sur le récif de KAN accroupit par terre. Le contraste entre la densité urbaine et les périmètres de vide qu’il creuse sur sa feuille est saisissant.

La ligne fine semble un fil : celui, ininterrompu, où s'accrochent les fillettes, et qui court de leur visage évidé au noeud de leurs chaussures. Celui qui tisse les motifs linéaires des kimonos. Des kimonos que l'on penserait vides, ainsi suspendus, mais animés par le ballet de pieds chaussés de geta.

Quelle étrangeté…
Sont-elles pendues ou suspendues ? Vivantes ou mortes?

Et cette "poupée" au genou de la plus petite, quelle blessure dissimule-t-elle?

Concentré et gorgé de l’énergie de la ville, Kan travaille à vive allure. Les piles de dessins grossissent devant lui, les fillettes se multiplient, le trottoir bientôt est surpeuplé.

Parfois, comme une respiration, KAN laisse sa main improviser des formes tentaculaires, sorte d’ébullition organique, criblée de traits et pustules noirs, qui rampent sur la feuille.

La population au trait d’encre qui naît de la main de KAN, sans visage, sans yeux, participe d’une autre réalité, d’un autre monde. Elle interroge, questionne silencieusement, montre des blessures mais sans se plaindre, dévoile sa fragilité mais la pare de motifs finement ciselés.


Ecrire à KAN (anglais ou thaï exclusivement) : travis2512@yahoo.com

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