à table



À l’entrée des maisons, l’air criblé de moucherons. Les intérieurs, jamais terminés, depuis des générations ils manquent. Suffit d’un toit et de quatre murs. Le reste peut attendre. Sur le pavage de grosses dalles chichement éclairée par de petites meurtrières, la table massive garnie de crasse, vieux meubles, calendrier des postes, un grand coffre, une armoire.
L’élément central, c’est la cafetière
Le sermon
Le silence
Le linge
Les larmes
La cheminée
La pendule
Le carrelage
La toile cirée
Le seau
Le vin
Le bahut
Le piège
L’assiette de soupe, l’éternelle assiette et ne te plains pas tu n’as pas connu quand de soupe il n’y en avait point
Les serviettes tâchées par le repas de la veille
Mâchonner sans dents
Racler le fond du bol, ne rien perdre
Déballer la lame et le lard
Découper le pain, avalanche de miettes
Les tartines grandes comme la main, le bol grand comme le visage
Les fenêtres ne prennent pas de place
Garnies de toiles d’araignées
Tamisent la lumière
La bouche pleine de fromage verse le vin
Ils mangent poitrine contre la table
La mère debout comme les chevaux
Assiettes pleines
Mains gantelées de fumier
Pas le temps de se regarder l’un l’autre
Chaises remuées porte fermée
Cliquetis des cuillères multiplié
Une hâte unanime courbe les dos
La bête à huit bouches s’endort mains dans les poches sur la table éclaboussée de café.


à paraître : « L’Apparition », éd. Lunatique, Février 2016







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