L’Avant-dernier des Hommes
Une soirée
en deux mouvements et milliers de mots :
1. Lecture d’Une langue inconnue par l’auteur, sa
voix et celle du violon de Mathias Levy, pas un dialogue, un chœur un chant
deux langues.
Novarina il
élève le cahier chargé de son écriture jusqu’à nous, il projette sa voix vers
nous, une voix biographique, l’origine d’un langage, l’énumération d’une vie
qui commence avec la naissance de la mère et la naissance du fils et la chanson
hongroise, lieu des premières émotions linguistiques et acoustiques, terre du
départ.
D’où s’énoncent
et s’enroulent les histoires de langue, maternelle donc, et aussi les langues
étrangères déportées exterminées dérivées nourricières manquantes traçantes
aventureuses enracinées, toutes les langues qui bruissent autour de l’homme qui
tend l’oreille. Elles écrivent la fiction de l’enfant Novarina sa feuille
toujours tendue vers nous il nous donne sa voix à voir à boire à mâcher à
écouter, sa langue d’animal, « la bête respiratoire saisie dans la cage de
la scène », le violon comme un animal pris au piège couine et stridule,
s’échappe et se déploie, l’éventail sonore ouvre une cartographie de la langue
où les frontières se chevauchent, où les verbes se multiplient, une langue
paysage, une langue du paysage patois, une langue dé-policée qui marche absorbe,
les paysages se modifient à chaque pas à chaque génération.
Le
personnage c’est la langue, Novarina c’est la langue.
La richesse
des mots sonnants et trébuchants.
Le mouvement
de la parole sa course sa lenteur.
Sa
résistance face à l’écriture numérique sa norme.
Choisissez :
tête baissée sur l’écran ou tête relevée de l’air plein les naseaux galoper et
chanter une chanson hongroise.
Dans cette
allégresse voici le solo du violon cette langue qui monte et qui descend, danse
et gémit, frotte et cisaille, unifie.
Cette langue
du geste et du corps.
2. Puis s’approche
L’Avant-dernier des Hommes c’est
Claude Merlin l’avant-dernier c’est lui entre les murs marqués d’histoires du Lavoir
Moderne, les murs éclairés comme des peintures, l’avant-dernier des hommes
s’approche avec sa lampe de poche qui éclaire les premiers mots, spéléologue il
entre dans la caverne de la scène déverse son sac sur la table son sac de
fragments, son sac d’objets son sac de mots il déverse la langue sur la table
ça tombe ça s’empile ça remplit ça fait du bruit ça démarre.
Le vertige
de l’homme l’animal la langue la pierre tout se percute se répercute jusqu’aux
murs et retour dans la bouche et les oreilles
Les objets
ont des oreilles si l’homme à une bouche tout communique
Le sujet les
objets leur nom quel casse-tête quelle puissance le mot sa déferlante ses
paradoxes ses inventions
La parole en
forme
de corps
de cadavre
d’avant-dernier
de premier
de mien
de tien
le lieu du
corps ses trépidations ses phrases
celles qui
coulent se taisent
de la bouche
aux pieds à la table
La langue
son bruit, la langue de l’objet qui roule traverse la scène à sa suite le corps
traverse la scène en parlant ils traversent nos vies, les voix les histoires
avec des conjugaisons des périphéries elles traversent nos ouïes
Nous
traversons
une forêt de
langues de paroles de sens
sortir du
langage y revenir s’y cacher s’y blottir s’y retrouver
la parole
dans son instant -le son- dans son immortalité - le sens-
le sens
premier les sens cachés
Se réunir
sans cesse se réunir, lutter contre l’éclatement le morcellement la perte du
sens
Pourquoi ‘sang’ se dit ‘sang’ s’écrit ‘sang’ ?
L’éclatement
du corps de la pensée sous l’afflux des mots si nous étions objet quelle
stabilité
Tandis que
les trinités de mots en déroute, il y a une histoire derrière tout ça, une
histoire de famille, d’accident, d’objets, une vie par les objets leur nom.
Des mots.
Lorsque le
dernier mot s’éteint le public applaudit le fabuleux comédien secoué de mots
s’incline devant les objets acteurs remplis de mots ils saluent, tous et un par
un, sous les applaudissements.
L’Avant-dernier
des Hommes
De Valère Novarina
Avec Claude
Merlin
Mise en
scène Claude Buchvald
Lumière Yves
Collet
du 21 novembre au 1er décembre à 20h30
Précédé de
lectures de Valère Novarina et de Mathias Levy au violon les 21 et 28 novembre
35, rue Léon
Paris XVIIIème