La présence de l’ombre
PLQ, Pascal Convert - Revoir Bamiyan (détail) - Musée Guimet 2019 |
Elle porte l’entière
civilisation, l’entière responsabilité l’entière destruction. La mémoire. La
honte. Le trou.
L’impact de
l’ombre sa présence incontournable. Le gouffre.
Bouche ouverte
au hurlement figé-le silence après l’horreur.
Des niches
noires insoutenable absence
« Les niches »
premier mot à l’esprit aspiré par la bonde de la désolation
Devant le
trou
le manque
le vide
l’enlèvement
l’oblitération
l’impensable
l’ignorance
la violence
la destruction
massive
adossée aux
montagnes vers l’infini immaculé l’impact de la guerre c’est le trou le vide le
noir l’élimination l’éradication
l’extermination.
Aspirée dans
le trou noir les formes manquantes les grands absents ils veillent du fond de
la paroi ils contemplent de leurs yeux arrachés de leur corps mutilé par l’absence
ils règnent les grands bouddhas
35 mètres de
vide à l’Est 53 mètres d’ombre à l’Ouest l’immense plainte
son règne
750 grottes
sanctuaires piétinées vandalisées.
Notre vision
coupée en deux borgne l’humanité borgne
Ici siègent
la roche millénaire la falaise ses creux ses rides son langage
Le vide et
le plein
La vie et la
mort
L’ombre et
la lumière
Un kilomètre
et demi de roche friable mais le trou n’est pas friable mais l’ombre n’est pas
friable mais la mémoire si elle l’est l’artiste vient de nous la restituer.
D’un bloc
Noir.
Les mille
sages ont quitté la vallée arrachés à la falaise de Bamiyan ils ont été
torturés démembrés écorchés vifs déchiquetés suppliciés
soustraient
L’écriture
et l’histoire d’un bout à l’autre de la falaise l’écrit et l’histoire avec
leurs trous on oublie oubliera encore on refuse de se souvenir
La forme
vide est pire l’absence est pire que le cri
Des visages
se dessinent des orbites noires il n’y a pas d’accusation dans ce silence
écoutez regardez les désastres de la guerre
les gueules
cassées
les charniers
regardez au-dessus la douceur des crêtes les lignes douces la couleur douce
au-dessus des déchirures la blancheur des cicatrices leur indélébile empreinte
ce qui fut ce qui est.
Comme elle
nous observe l’ombre dans toute cette immensité du fond du vide dans
son épaisseur dans les yeux des enfants
Les enfants
y habitent à présent. Après le carnage les enfants chassés sont ici réfugiés
les Hazaras peuple méprisé, réduit en esclavage installé ici dans les trous
dans les grottes profanées au pied de la longue falaise
Dans l’ombre
protectrice des grands vides les enfants jouent.
Musée Guimet, Carte blanche à Pascal Convert : Revoir Bamiyan
Jusqu’au 28
janvier