Boiteuse


Il y a celles qui rentrent en couple, et puis celles qui rentrent seules.
Celle qui rentre seule.
Francesca est celle-là. Régime sec. Au pain et à l'eau. Des seins pour rien. Des hanches pour personne. De la peau pour rien. Des yeux pour personne. Un sourire pour rien. Des mots pour personne. Pas de sexe. Pas d'amour. Pas de vertige. Si, celui de la solitude.
Elle rentre chez elle et son corps s'avachit. Fume une cigarette en fixant l'unique étoile clouée dans la nuit. Tente d'oublier sa promenade au parc. Ils sont si nombreux ces couples. Des nuées de papillons de nuit. Elle les croise, enlacés dans les allées, sur la pelouse, entre les statues éclaboussées de lumière pâle, sur le gravier qui chante, contre les murs, dans les encoignures, sur les bancs, devant, derrière, sur les côtés, Francesca cernée, leurs mains qui se touchent, leurs langues qui s'emmêlent, leurs yeux qui se sondent, leurs murmures qui bruissent, leurs corps qui se tendent, leurs souffles qui s'accélèrent. Les jardins se font lupanar.
Francesca écrase sa cigarette, retire ses chaussures et plonge dans la nuit.


Curvings, Markus Schinwald, 2006


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