Le trou


Vous ne le voyez pas mais il est là. Enorme. Au milieu de mon corps. Un trou.
C'est une blessure de guerre. J'avais quatre ans, peut-être cinq. Un obus m'a traversée de part en part, là, près du ventre.
Depuis je vis avec. Avec ce trou. Au milieu de moi.
Je me suis enfuie. J'ai construit des murs, érigé des protections. Entre eux et moi. Entre l'ennemi et moi.
Combien de murs ai-je construit ? A quatre pattes, essoufflée, affamée, affolée, creuser la terre, porter les pierres. Mais ils sont là, toujours là.
J'ai élevé des murs de silence, des murs de jeûne, de reniement, d'effacement. Des murs qui étaient bras d'un homme, étreintes d'enfants. Inutiles. Dès que je me retourne, je les vois. Sur leur visage, ce sourire qui sait tout et ne dit rien.
Les années passent, je suis vieille à présent, je creuse encore, retourne la terre, empile les briques, je n'ai plus de force. Les murs s'écroulent.
Et l'ennemi, immobile, me fixe et me sourit.


Untitled (Black girl), 2003, Anne Wenzel

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