L'Etranger








Samedi 4 décembre à 15 heures 30, Ben Herbert-Larue sera Jean, le plancher, l'étranger.



"Jeannot sera toujours le mutilé, suspendu au crochet de sa famille écorchée, accroché sur les murs épais de la ferme, blessé aux épines de silence cloués aux portes des granges pour éloigner le mal qui était le bien, mais qui le dit ? Jeannot blessé par la guerre intérieure, la guerre intime, vaincu dans l’enfance, première défaite, puis celle d’Algérie, secoué par les évènements dans le djebel, ce qu’il a vu, ce qu’il a fait, les cadavres à enterrer, les femmes, les femmes, Jeannot ne peut plus dire, il ne racontera rien, de son enfance il ne dira rien, de son adolescence pas un mot, de la mère haïssante et haïssable, de l’inceste, de l’enfant Mortné qui lui a donné sa place, de l’EnfantX de Paule, du père pendu, des pendus aux arbres, des fous les yeux plein de sable, des pleurs dans le désert glacé, des incendies dans les villages, des regards de terreur, femmes, enfants, de l’odeur de viande brûlée, il ne dira mot, Jeannot ne dira rien, pas un mot sur le retour, pas un mot aux habitants, pas un mot sur la tombe de son père et maintenant s’occuper de sa mère et de sa sœur, pourvu qu’elles ne voient pas qui il est devenu, Jeannot le monstre, le sanguinaire, l’enfant abandonné, celui qui n’a jamais puisé assez de force, assez d’amour, assez de regard, faut-il qu’il creuse à n’en plus finir, à quelle profondeur doit être la fosse pour que roulent les cadavres en djellabas, pour que pourrisse cette chair étrangère, et la chair estrangère, celle du père, une fosse encore plus profonde pour le pendu, et qu’on y mette la poutre de la grange, qu’elle l’écrase aussi fort, qu’elle le broie dans l’au-delà."

LE PLANCHER, Perrine Le Querrec, Editions Les Doigts dans la prose, 2013































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