Tandis que Vuillard
Edouard Vuillard Jeune Fille, la main sur la poignée de la porte,huile sur carton, 1891. |
Bonnard
petit maître Bonnard le brouillon le gentil bourgeois barbouilleur. Tranquillement.
Tandis que
Vuillard
Vuillard le
taiseux s’enfonce dans des silences que nul n’a encore percés
Vuillard sous
influence pose sur l’écran réduit de ses toiles des mondes hermétiques ouverts
au déséquilibre
Vuillard
sature découpe entaille la tradition
Touche après
touche il sculpte des espaces des silhouettes des tensions des secrets
Vuillard le
secret
Le regard de
sa mère sur les épaules
L’amour de
sa sœur
Les femmes
de sa vie
Une vie
épaisse des tourments clos des strates d’absences métamorphosées en impérieuses
présences
Vuillard juxtapose
l’impossible et les extrêmes. Le dedans du bourgeois le cossu le repu le plein
jusqu’à la moelle, le dehors l’indompté le sauvage tenus ferme sous le pinceau.
Le dedans des âmes les interdits les non-dits la besogne de la solitude, le
dehors des corps absolument compris absolument entiers dans leur absolu mystère.
Vuillard domestique.
Il domestique les pulsions profondes les courants les lames de fond. Pourtant tout
affleure dans les rectangles gorgés égorgés de ses œuvres, tout affleure tout
frémit tout vibre tout pleure tout dit. Dans un silence parfait. Dans une asphyxie
parfaite. Dans une dissidence criante.
L’intimité
de Vuillard du format du geste de l’expérience. Les masses si épaisses qu’elles
surprennent cependant qu’elles désignent une couverture une robe un lit et
aussi de l’étrange de l’inquiétude de l’inhabituel. Vuillard l’ambigu.
Vuillard le
peu, peu de couleurs, peu de discours, pas d’emphase peu d’explications, Vuillard
jamais n’impose Vuillard resserre, resserre, il noue le nœud qui pousse les
corps en position de déséquilibre qui tord les visages qui incline la lumière
qui dérobe les sols qui fausse les perspectives qui supprime l’air, Vuillard
peu à peu en toute discrétion arrache au silence ses mots les plus vibrants ses
attitudes les plus poignantes ses couleurs les plus musicales.
Il nous
approche. Lentement avec ferveur nous ouvrons le regard. Vuillard le miracle.
Le silence
est roi, Vuillard est roi.
Ne cherchez
pas une carte postale, pas un souvenir de Vuillard. Bonnard partout, cartes
magnets cahiers posters marque-pages, Bonnard bon à tout.
Vuillard le somnambule est loin devant.
Vuillard le somnambule est loin devant.
Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris
Du 22 novembre 2016 jusqu'au 2 avril 2017