Traquées
Lewis Baltz -
C’était cette année
Pina Bausch. Lewis Baltz. Je découvrais, voyais en vrai, pour la première
fois
Je suis sortie de Palermo Palermo en pensant : voilà comment je
voudrais écrire
Je suis sortie de l’exposition de Lewis Baltz pensant : voilà
comment je voudrais écrire
The Tract Houses. Elles sont mes mots. Densité du noir, du blanc. De l’encre
piège. Les pavillons dans ma tête deviennent des maisons traquées. Des
confrontations. Des secrets. Des silences aveuglants. Mon cœur se serre, ma
cage thoracique devient pavillon. Le cadre découpe dirige, oblige. Une écriture
obligée. Désobligeante.
Tract. Ce titre je le lis le transforme. Tract. Traquées. Truquées. Une
écriture traquée, truquée. Des aplats de mots. Noirs. Blancs. Cernés. Des
phrases cernées, aucune narration rien que du matériau incontournable. Des mots
durs, pleins, lourds, aveugles, mats, muets. Obligé de regarder. De vivre-là.
Un degré zéro de l’écriture. Une insistance rétienne. La phrase passe par la
rétine, tout est là. Laissez tomber les sentiments les explications l’inutile.
Derrière la façade le désastre. L’esprit construit lui-même, de lui-même.
La façade ne bouche pas, elle ouvre. Les fermetures ouvrent. Les portes les
cadres les fenêtres les seuils. Événements. Impacts. Déflagrations. Réalités. Celles
que personne ne veut voir. Que personne ne veut écrire. Regarder différemment,
regarder ailleurs, regarder des yeux du cerveau des sens. Écrire de même. Le
mot fait forme fait sens. Le mot détoure le sens. Le mot est une saillance. Un objet
une condition. Il bloque il impose il suspend.
Des mots pendaisons. Des murs vides. Des gros plans et quelques
millimètres d’un sol bosselé. Juste la place d’une phrase.