T3_La chaise

La chaise est plantée là comme un départ, je pèse dessus, je pèse légère, d’une fesse, d’une culotte à peine, il me dit quelque chose à propos d’une reine, j’écoute d’une oreille, je touche la chaise en bois, ma vieille chaise traînée d’appartement en appartement, une chaise pas un trône, nous vacillons un peu ensemble, je serre le pied, il répète Reine, de qui parle-t-il ? et aussi quelque chose sur demain et jusqu’à la mort, des voyages et des étreintes, je caresse le pied de ma chaise, me penche dangereusement, il empile d’autres mots, Tu es différente et de toi je pourrais tomber amoureux, les mêmes mots, tiens c’est drôle, ces mots il faudra que je les comprenne un jour ou l’autre, que je médite tranquillement sur ma chaise, peut-être en face d’une table pour poser mes mains bien à plat devant moi et entre elles les mots détachés, l’un après l’autre, les prendre les retourner les suçoter les replacer les puzzler les ajuster, parce que là la chaise m’entraîne dans un autre voyage j’entends je n’écoute rien, ou un sur deux, des superlatifs déguisés en impératifs, des jugements masqués en conseils, l’abondance des toujours-jamais-unique-vie-confiance-ensemble-première-dernière-amouramouramour.
Le cœur tu sais moi je l’ai laissé là-bas, dans les marécageux sentiments, les bayous de promesses, la boue des espoirs, la potence des ruptures, je ne vais pas t’accompagner au bout de la laisse que tu me tends, je ne vais pas passer mon cou dans le collier de diamants, je vois devant l’espace, je vais rester ici sur ma chaise, tu t’irrites : Arrête de te balancer ! Je suis sérieux tu ne veux pas m’écouter ? mais je t’écoute, j’écoute, n’entends-tu pas ma chaise grincer et ma peau siffler sur le dossier, encore quelques centimètres et nous serons toutes deux couchées sur le sol, sans dommage, juste avant je te glisserai le papier avec mes conseils aux voyageurs, si l’un ou l’autre, les interchangeables, désirent partager mon vol
Qu’on ne me promette plus
Qu’on ne piétine plus mes rêves
Qu’on ne respire plus mon air
Qu’on révolutionne le vocabulaire
Qu’on invente un nouveau ciel
Qu’on s’écarte de mon cœur
Qu’on me rende les clés
Qu’on referme ma porte
Qu’on me laisse ma chaise.








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