T3_Le lit

C’est ma chambre mais c’est le lit, la chambre c’est le lit où dormir, faire l’amour sinon quoi ? insomnie solitude foutez le camp je suis dans la chambre dans le lit prête à tous les rêves, toutes les positions, pas perdue parmi les oreillers absorbée dans la contemplation quotidienne du plafond, non,
imaginons
une histoire ordonnée un homme une femme un couple des années
imaginons
la vie commune le lit commun ton côté mon côté et souvent ou parfois, c’est comment lorsque les années s’empilent se chevauchent se culbutent, toi et moi au centre sur la ligne médiane empilés chevauchés culbutés
imaginons
il y avait de l’amour et de l’eau fraîche, c’est vrai, je les ai vus et toietmoi, la bouche devenue sexe devenue main devenue pied devenu hanche devenue œil devenu cul devenu épaule, toietmoi cannibales de la chair plein la bouche, pas des reproches des regrets des silences lourds qui trouent la tête le ventre le lit 
imaginons
ça dure, le lit se remplit, un enfant deux enfants des seins plein de lait des sourires d’un bout à l’autre, des rêves bien éveillés et même endormis ça marche encore
imaginons
les inventions pour lustrer le ruban des années entre toietmoi les chuchotements sous la couette le navire ne prend pas l’eau tu vois il tient la mer les vagues les creux les tempêtes
imaginons
des plaintes de peau contre du tissu, de tissu contre du tissu, de tissu contre la peau, de la peau contre la peau
imaginons j’imagine, des phrases courtes un rythme bref et courir de mots en sensations, avec de l’imagination vivante on remplit les lits on gonfle les oreillers on creuse les matelas on embarque où l’on veut vers qui l’on veut et je m’entraîne à dire des « chéri mon amour », tendres, amoureux vibrants dans ce lit où il y a tant de matelas en trop, tant de drap inutile.















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