je reviens
J’ai peur de
la nuit des bruits de nuit du chemin si noir où tu n’es plus dans ma main avec
ton souffle lorsque tu m’attachais « je reviens » le chemin toujours
si noir mais la lumière de deux mots pose un bandeau sur mes yeux cache le
chemin le spectacle de la nuit tapie sur les bords dans son fossé et sous mes
pieds je la sens qui bouge ondule, elle monte humide le long de mes jambes et
l’intérieur de mes cuisses pour entrer brutalement en moi, elle revient sans le
dire je l’entends l’attends les yeux bandés et le poteau vertical contre mon
dos recouvert de peau et d’écailles me garde debout face à l’attente gavée de
nuit et d’effets secondaires hallucinations dédoublement de personnalité
personnalité nausées vomissements rigidité risques d’évanouissement j’aime les
pluriels je fredonne hors de moi I’m waiting for my man dans mes mains les
cachets et les galets roulent recouvrent mes yeux d’un voile que tu ne noues ni
ne dénoues tandis que je broute docilement l’herbe de nuit en nuit plus rase
plus rare plus lointaine autour du l’étoile fissurée du poteau enfoncé dans ma
terre où résonne « je reviens » c’est parce que je suis précieuse
pensais-je en passant un doigt entre la corde rêche et mon cou, précieuse et je
chantonne c’est pour ça éloignée de tous et plongée dans l’obscurité je n’y
vois rien et personne non plus pour me voir mais « je reviens » et je
broute le petit cercle d’herbe mes dents
cognent contre le sol noir et le poteau n’en finit pas de pousser derrière mon
dos.
Qui puis-je
si les mots trop nombreux tapissent mes nuits tombent de ma bouche crèvent le sol il y a toujours un ‘je’ de trop
attaché à moi une excroissance sensationnelle luisante d’indignation et le
bandeau tombé je nous vois toutes.